Où en sont les sciences fondamentales des humains au début de notre 21e siècle ?

Évidement, les bras vous en tombent, lorsque vous devez considérer que nous vivons dans un monde à 4 dimensions, et que l’on discerne une part de la réalité uniquement au moyen de calculs probabilistes. Ce qu’on définit comme univers est incommensurable et inimaginable. Le temps qui passe, lorsqu’il existe vraiment, est insaisissable, prodigieusement compressible ou extensible au grès des contextes. Voilés de mystères, pourtant, de petits grains et d’infimes ondulations, masse et énergie, semblent orchestrer toute la machinerie… Il y a encore tant à découvrir.

Les humains, qui sont aussi des petites portions de la nature, sont parvenus à concevoir des modèles scientifiques qui permettent une navigation très efficace dans la réalité. Amical et limpide, l’ouvrage raconte tout cela avec une élégante simplicité.

Je l’ai lu en anglais, mais c’est ballot, parce que ce n’est pas le langage utilisé pour l’écriture.

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Résumer Seven brief lessons on physics ? Non !

Résumer le contenu de ce livre serait absurde et sacrilège !

Je préfère exprimer ma perception inexperte et profane.

Faire ses révisions de la plus belle manière

Seven Brief Lessons on Physics est tellement clair et affûté.

Je le recommande à tous les élèves qui ont vaguement l’idée de faire des études scientifiques ou techniques. Il en est de même pour les étudiantes et les étudiants : une structuration efficace des idées ne se refuse pas.

Compléter le puzzle personnel

Amateur d’ouvrages de vulgarisation scientifique, j’ai ajouté quelques pièces manquantes de mon petit puzzle amateur. Quand cela survient, j’ai toujours un vif sentiment de gratitude pour l’auteur.

Jubilations

J’évoque évidemment la belle description de la théorie de la relativité générale d’Einstein et le malaise coutumier de la mécanique quantique.

Les passages les plus inhabituels sont relatifs à la gravitation quantique et à la construction des théories inhérentes : il s’agit d’unifier la relativité et la mécanique quantique. C’est le sujet auquel se consacre l’auteur, Carlo Rovelli. Ainsi, nous devons tenir compte du graviton dont l’influence est des milliards de milliards de fois moins grande que celles des autres composants fondamentaux de la nature. Les scientifiques élaborent une théorie où l’univers n’est qu’interactions d’où émerge notre réel (si toutefois je ne me trompe pas en écrivant cela ; lisez le livre pour vérifier !) L’auteur décrit aussi l’hypothèse de phénomènes réels permettant de matérialiser ces données théoriques : des « trous blancs » qui sont des « rebonds », des résurgences différées de trous noirs anciens par rapport à notre échelle de temps humaine et terrestre. Ces trous blancs devraient se manifester par certains signaux de rayons cosmiques à haute énergie. Des radiotélescopes les cherchent.

L’immense bénéfice du doute scientifique

La deuxième leçon « Quanta » concerne la découverte des quantités indivisibles par Planck pour les champs électriques, puis par Einstein pour les particules. Les travaux de celui-ci ont d’abord été critiqués par ses pairs : « … inconséquence juvénile d’un jeune exceptionnellement brillant ». Quelques années plus tard, ce sont précisément ces découvertes sur les quantas qui lui valent le Prix Nobel !

La troisième leçon « The Architecture of the Cosmos » relate chaque étape vers de meilleurs modèles scientifiques de description de l’univers. On connaît tous l’immense malheur (censures, bannissements, procès, tortures, condamnations) de ceux qui contestaient le modèle dominant, au fil des époques.

La sixième leçon « Probability, Time and the Heat of Blacks Holes » expose les recherches de Boltzmann et le suicide de celui-ci, resté incompris de son vivant. Il a relié les probabilités aux états énergétiques futurs des particules, ouvrant la route probabiliste vers les théories quantiques.

De mon point de vue, rien ne change : – Les sciences fondamentales manquent de financements et ceux-ci sont répartis au grès de jeux de cour ; – En ce début de 21e siècle, la traque contre l’indépendance d’esprit est à son comble.

Les scientifiques doivent accepter les inéluctables échecs

La quatrième leçon « Particles » concerne le « modèle standard » qui est la référence de la physique des particules (électromagnétisme, interactions fortes et faibles, classification des particules subatomiques). L’auteur fait remarquer la complexité et l’hétérogénéité du modèle standard qui chagrine les scientifiques. Des alternatives élégantes et simplificatrices comme « SU5 », ou « supersymétrie » n’ont pas réalisé leurs prédictions. Certains chercheurs ont beaucoup misé sur ces théories alternatives : « Des jours, des mois, des années, des décennies sont passés… La physique n’est pas qu’une histoire de succès ». Les scientifiques sont comme des chercheurs d’or, et parfois le filon ne se révèle jamais.

Ne nous oublions pas dans l’équation

Le dernier chapitre situe les humains dans l’univers et questionne ce qui pourrait caractériser notre libre arbitre et notre spécificité. Notre capacité à élaborer des stratégies provient du nombre de neurones dans notre cerveau : 100 000 000 000 (cent milliards, c’est à dire autant que d’étoiles dans notre galaxie). Et ces neurones ont encore bien davantage de connexions entre eux. Cela confère de grands degrés de liberté, même si fondamentalement nous ne sommes qu’un phénomène naturel parmi d’autres.

L’immensité du cosmos connu peut être caractérisée par le fait que 100 000 000 000 000 000 000 (100 milliards de milliards) de planètes accompagnent la nôtre. Il semble évident que d’autres espèces vivantes disséminées dans l’immensité ont atteint une grande complexité biologique et de belles capacités d’intelligence. Nous sommes une espèce parmi d’autres, innombrables.

Une partie du texte relie les mythes aux histoires que racontaient nos ancêtres lors des veillées, tandis qu’il identifie les sciences aux méthodes du pistage des proies lors de la chasse. L’auteur regrette que notre culture contemporaine tende à confondre mythes et sciences. Les mythes n’étaient pourtant pas efficaces pour nourrir la tribu.

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Ce petit compte-rendu pourra, je l’espère, susciter une envie de lecture de l’ouvrage. La couverture et la quatrième de couverture font mieux avec des extraits de critiques très positives provenant de grands médias. Par exemple, l’une d’entre elles se traduit par : « Matière à réflexion pour toute une vie » (« Food for thought to last a lifetime ») !

Cette lecture a été très gratifiante. Je vois plusieurs raisons à cela : d’abord, dans son style sincère, confiant, convivial, Carlo Rovelli raconte la chose de manière amicale. Tout est dit, sans retenue. Et évidemment, l’aspect scientifique est limpide autant qu’accessible. Les 79 pages donnent une bonne structure bien articulée pour celui qui voudrait tout appréhender dans une synthèse : nous trouvons là les branches maîtresses de l’arbre des sciences fondamentales actuelles.

M’éloignant du contenu du livre, j’avoue que j’admire l’auteur pour avoir vu quelques vidéos de ses présentations scientifiques publiques. Je sais aussi que, prolongeant une tradition séculaire, il est un scientifique humaniste. Fort de son prestige, il s’exprime publiquement, en déplorant les guerres, par exemple. Il pourrait être l’un des personnages de mon deuxième roman. Devinez lequel.

Merci à l’auteur.

Voici un lien vers son site web : Site web de Carlo Rovelli au Centre de Physique Theorique de Luminy

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Seven Brief Lessons on Physics — Auteur : Carlo Rovelli

Seven Brief Lessons on Physics — Carlo Rovelli — Édition 2016 — Éditeur : Penguin Books.